Réconcilier John Lennon et Sttelllla
La Costa Del Sol draine une abondante mythologie contradictoire : s’il s’agit de la villégiature privilégiée
par toute la jet set du 20e (pensez Lennon, Ricci ou Sinatra), c’est aussi le creuset par excellence de l’imaginaire beauf
(gravé dans le plâtre depuis le tube "Torremolinos" de Sttellla).
Alors, Costa del Sol : la réconciliation ?
Créer décomplexé, comme le grand Pablo
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
Vous craignez de décevoir votre appétence pour les galeries et musées à la Costa del Sol ? Que nenni[1].
Centre Pompidou, musée Ralli et de nombreuses autres curiosités éveilleront une nouvelle fois votre propension artistique.
Un premier détour par le bercail de Pablo Picasso vous fera prendre conscience du fait que le grand maître himself puisait
force idées dans ce décor aux orangers plantureux.
On touche du doigt les premiers gazouillis du nourrisson Picasso en visitant
sa maison natale, sur la place de la Merced de Málaga. Où, à l’aune des œuvres à venir, chaque détail de vie prend une dimension
historique. Un récit que nous avons trouvé particulièrement truculent ? Savoir que le père de Pablo, lui-même peintre, préparait
l’agencement de ses toiles à l’aide de petites figures en papier ; une habitude qui aura préfiguré les collages de son fils, passés
à la postérité.
Avec le billet "Maison natale", vous avez aussi accès à une exposition temporaire située sur la même place de
la Merced. Faites-y un crochet car, d’un côté comme de l’autre, s’il y a peu à voir, il y a beaucoup à en retirer.
En particulier cette façon décomplexée de créer à la tire : les œuvres de Picasso fusent, imparfaites et assumées comme telles.
Un charivari atomique qui rassérène tout créateur in spe.
Lien vers le site officiel de La maison natale de Picasso :
(Fundacion Picasso – Museo Natal).
[1] Que nenni, c’est du wallon. Pas de l’espagnol. Nous précisons ceci afin que le lecteur hexagonal, vu le contexte, ne se sente
pas obligé de prononcer [kénÉni], avec un fort accent du sud. Ce qui serait bien hors de propos. Mais très drôle.
Tutoyer l’utopie
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
Sur votre route du soleil, nous vous conseillons de visiter deux autres spots arty, plutôt petits mais bien conçus.
Il s’agit (1) du Centre Pompidou de Málaga, dont la collection permanente interroge notre rapport à l’utopie.
Et (2) du musée Ralli de Marbella. Dont on retiendra les figures replètes d'artistes latino, qui occupent avec nonchalance tout
l’espace disponible. Une impression encore renforcée par le contraste face aux œuvres de Salvador Dalí (qui oscillent entre l’araignée
et le fil de fer).
Parti pris : que ce soit au musée Ralli ou au Centre Pompidou, une large part est taillée aux rêves et à l’imaginaire.
Avec la conviction que ces onirismes détiennent un pouvoir créateur phénoménal.
À expérimenter pour s’en convaincre.
Centre Pompidou de Málaga
Musée Ralli
Visiter de vrais châteaux de sable
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
Lorsqu’on prononce "architecture" et "Andalousie" dans la même phrase, on pense Alhambra, Grenade et alfiz.
Pas forcément "château de sable". Or, à la Costa Del Sol, il est aussi question d’utopie hors des musées. Vous êtes friand d’étonnant ?
Voici le hit-parade à ne pas manquer :
▪ Jugez de vous-même : en 1994, un médecin du nom d’Esteban Martín y Martín a dédié sa fortune à construire un château à la gloire
de Christophe Colomb. Une construction naïve, décrite comme relevant des styles "byzantin, roman, gothique et mudéjare"
(pourquoi choisir ?). Une délicieuse absurdité, érigée au milieu d’un marais de joncs sur les hauteurs du littoral.
Castillo Monumento Colomares ("Castle Monument")
▪ Côté plage, les châteaux de sable s’installent sur la digue (l’ouvrage de passionnés qui reproduisent des villages entiers
en savants pâtés de sable). Mais on trouve aussi une inspiration étonnamment sablonneuse dans les hôtels qui bordent
le très chic port de plaisance de La Carihuela.
▪ Enfin, dans un registre bleu azur, il vous faut absolument découvrir le village de Júzcar, perché quelques kilomètres
plus loin. Depuis que le tournage du film Schtroumpf a eu lieu dans ces rues, les maisons ont conservé leurs façades… bleues.
Et tout le village a emboîté le pas : Gargamel par-ci, Azraël par-là, les maisons sont parées pour l’affluence d’un nouveau public
touristique (et, croyez-nous, ce genre d’initiative a du potentiel). Notre conseil ? Le jour
où votre comité de quartier vous annonce que le prochain film de Dora l’exploratrice sera tourné dans votre rue, soyez méfiant.
Très méfiant.
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
Assister à la naissance d’un papillon
Quel étonnant travail que celui des biologistes du centre de papillons (le "mariposario") de Benalmádena.
Chaque jour, ils récoltent soigneusement les chrysalides qui se sont formées dans les 900m² que compte la serre.
Avec un sacré sens de l’observation, puisque les chenilles sont passées maîtres dans l’art du camouflage
(nous, on ne les aurait jamais retrouvées) (à part cela, il y a aussi ces chrysalides magnifiques, qui se parent de dorures ou prennent
la forme de perles).
Ensuite, l’équipe épingle les cocons dans une pouponnière, pour suivre leur évolution. D’un instant à l’autre,
le miracle peut se produire sous vos yeux émerveillés : la chrysalide se pare de teintes foncées (car les ailes deviennent apparentes
à travers la membrane), elle se fendille et, en moins d’une minute, le papillon déploie ses ailes pour sécher tout à son aise, avant
de prendre son premier envol.
Le travail devient contemplatif lorsqu’on sait qu’un papillon vit en moyenne 20 jours.
Tant de beauté, si peu de temps ! Et la vie se poursuit.
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
Rencontrer un géant sans appétit
Le Mariposario abrite aussi le plus grand papillon du monde. Un géant dont l’envergure peut atteindre les
30 centimètres. Lorsqu’il déploie ses ailes, il ressemble à des serpents. En un mot comme en mille : le papillon Atlas est un
monstre captivant. Le plus étonnant tient à son régime alimentaire : Atlas n’a pas de bouche. Il ne se nourrit pas. Il nait,
produit de la soie, se reproduit et meurt.
Si l’on s’en tenait à la vie éphémère de ses habitants, le Mariposario pourrait se muer en un sanctuaire bien déprimant
("Ô douleur ! Le Temps mange la vie"). Fort heureusement, deux éléments viennent bousculer le tableau. Primo : la serre abrite des locataires
pleins de malice, dont un wallaby qui a conservé tout son appétit et toute sa curiosité pour tous les bipèdes
qui arpentent le lieu. Deuxio : un curieux monument fait face au Mariposario. En effet, de l’autre côté du rond-point, se
dresse un stupéfiant stupa. Un stupa, c’est une sorte de pavillon bouddhiste, qui exhorte à la paix et à l’harmonie mondiale,
à la méditation et au recueillement. Il domine le littoral, façon tour chryséléphantine (oh yeah : c’est la première fois que je
parviens à utiliser ce mot dans une phrase). Très joli et pourtant, avec le décor ‘costa del sol’ en contrebas, l’effet est plutôt
décalé. C’est au moins aussi étrange que la "Casa de Papa Noel" qui trône au milieu des palmiers de Torremolinos, en plein mois
de décembre. Aussi bizarre que le Datsan d’Oulan-Oudé en Sibérie. Des papillons contemplatifs,
un wallaby drolatique, un stupa surprenant : en somme, la visite du Mariposario, c’est la vie mise en abîme. Loved it.
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
Le petit extra
Et pour une autre après-midi folklorique, c’est au Parc de la Paloma qu’il faut vous rendre.
Un parc public foisonnant de poules, coqs, pigeons, lapereaux et mouflons. Une façon supplémentaire qu’a trouvée la Costa del Sol
d’exprimer la vie dans ce qu’elle a de joyeusement désordonné.
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
Texte : Yoneko NURTANTIO ©
Voyage réalisé en 2018