On ne se lasse jamais des musées de mode. Pourquoi donc ? Parce qu’au-delà des paillettes, il s’agit de découvrir le travail d’un créateur, d’appréhender sa démarche et de s’en inspirer pour évoluer soi-même. Le type de bonheur qu’on tire des rencontres inspirantes. Du musée Balenciaga, à Getaria (en Espagne), voici les 4 enseignements créatifs que nous retirons.
1. Aimez ceux pour qui vous créez
La première chose qui fait plaisir à voir, dans ce musée, c’est l’amour que Cristóbal Balenciaga témoigne aux femmes.
Il crée des pièces adaptées à un style de vie actif. Et pour ça, un big merci. Gracias, querido Cristóbal ! On retrouve l’esprit
Gabrielle Chanel (la fluidité en moins), situé aux antipodes du louboutinisme. Entre le corps et le vêtement, Balenciaga prévoit un
3e élément d’importance : l’air. Ouf, il était temps.
À retenir : créez avec bienveillance.
À contempler : la robe baby-doll et la robe-sac, des manifestes féministes à eux seuls.
Ces modèles avant-gardistes, loin de sculpter le corps, ont reçu un accueil particulièrement mitigé de la part
de la gent masculine.
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
2. Apprenez à la chinoise, sculptez à la japonaise
Le tout jeune Cristóbal admirait tellement les robes de la marquise de Casa Torrès à la messe qu’il lui demanda
avec audace l’autorisation de visiter son dressing. C’est comme cela que tout a débuté. Apprendre de ses observations, c’est du
typique Balenciaga : des années plus tard, il continuera à acheter des robes Dior, Chanel, Vionnet, pour les décomposer et étudier
soigneusement leur structure (dans ses mots : comprendre les solutions techniques que ces stylistes ont apporté à des
problèmes esthétiques). À la chinoise quoi : on achète, on démonte, on comprend l’esprit et on s’approprie les techniques
pour ensuite faire pareil. Ou mieux? Peut-être, à en croire Monsieur Dior, qui affirmait ceci : "Avec les tissus, nous faisons
ce que nous pouvons. Balenciaga, lui, fait ce qu’il veut." C’est précisément cette maitrise technique qui constitue la ligne de force
du créateur. Et c’est là qu’intervient le côté japonais de l’affaire. Certains stylistes sont avant tout des dessinateurs
(on pensera par exemple aux croquis d’Yves Saint-Laurent) ; Balenciaga, lui, est un géomètre.
À admirer : les encolures inspirées des kimonos, qui dégagent la nuque pour un port de tête des plus élégants.
À réciter : rigueur, cohérence, perfection.
3. Cherchez la ligne
Balenciaga a su créer le contemporain à partir de l’histoire de la mode espagnole (comme Madeleine Vionnet
l’a fait pour l’Antiquité). Au fil des ans, ce ne sont plus les ornements rococo, mais une ligne, une ligne claire, hispanique,
que l’on retrouve nettement dans ses créations. Il est passé maitre dans l’art d’éliminer le superflu. Simplicité apparente…
La question systématique (pour vos prochaines créations) : cet ajout est-il vraiment nécessaire ?
La citation (pour votre prochain diner) : "La mode, c’est ce qui est beau aujourd’hui et sera laid demain. L’art, c’est ce qui est
laid aujourd’hui et sera beau demain." (Anonyme)
Photos : Gwenny NURTANTIO ©
4. Tournez-vous vers demain
Foin de la nostalgie : remplacez "C’était mieux avant" par "Ce sera bien demain". Le musée Balenciaga
ne présente pas une collection de reliques, mais les maillons d’une chaine projetée vers l’avenir.
Cette approche se traduit aussi dans le bâtiment : un bloc noir, léché, résolument contempo, qui domine le village jaune, rocheux
et tortueux de Getaria. De quoi réconcilier l’hier et le demain avec panache.
Côté nature, que voit-on lorsqu’on tourne les yeux ? Un collier d’écume, une plage claire comme une gorge et, sur toute la hauteur
des collines qui bordent la crique, une robe de verdure. C’est à quelques encablures de ce Biarritz basque que nait
Cristóbal Balenciaga, au seuil du 20e siècle.
Tous les ingrédients étaient réunis pour qu’il se réalise comme artiste : "Un bon couturier doit être architecte pour la forme, peintre
pour la couleur, musicien pour l’harmonie et philosophe pour la mesure." (Cristóbal Balenciaga)
Retrouvez les infos pratiques pour visiter le musée Balenciaga de Getaria en cliquant sur
ce lien.
Texte : Yoneko NURTANTIO ©
Juin 2019